LE CHEMIN DE CROIX
du Frère Ephraïm

1ère station du chemin de la croix:

Nous avons jugé Dieu et nous l'avons condamné à mort. Jésus est condamné à mort.

Voici l'homme face à la foule enivrée par l'esprit du mal. Voici l'agneau sans tache. Sa chair immaculée est lacérée. Le sang perle de chaque épine de sa couronne et sa vue se trouble. Au travers de ses brûlures de sang, il perçoit l'humanité qui hurle: « Sur nous et sur nos enfants, que ce sang retombe ». Pilate voudrait le relâcher mais eux insistaient à grande clameur demandant qu'il fut crucifié et leur clameur gagnait en violence. Alors, il le livra à leur volonté.

Dieu s'est fait homme pour être livré aux hommes, pour être vêtu de rouge et couronné de douleur. L'amour a pris notre humanité parce que l'humanité avait failli à l'amour et qu'une telle faute mène à la mort. La condamnation qui pesait sur elle, il la prend sur lui.

Voilà pourquoi Pilate a dit: « Voici l'homme » et aussi « Voici votre roi » car il est le roi d'amour et le fils de David aimé de Dieu et berger de Bethléem. En tuant son roi, la foule se condamne elle-même. Mais elle ne sait pas que c'est le dernier crime des fils de Caïn car elle ignore que le fils donne sa vie et que personne ne la lui prend. Ce crime devient un sacrifice, et le sang qui va couler scellera une alliance éternelle.

Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et c'est grâce à ses plaies que nous sommes guéris. Voilà pourquoi, il n'y a plus de condamnation pour qui est dans le Christ Jésus. Et si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur. Car il est l'amour et l'amour est infini.

Désormais qu'aucune culpabilité n'habite nos âmes, qu'aucune condamnation ne nous entrave, qu'elle vienne des hommes, du démon ou de notre conscience. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui.

O Jésus, la condamnation ne m'appartient plus ni celle qui pesait sur moi, ni celle que je faisais peser sur les autres.

O Jésus, j'adore les plaies de ton front. Que chacune des plaies de ton corps, de ce corps adorable, guérissent une meurtrissure de l'Eglise.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

2e station du chemin de la croix:

Il nous faut porter la croix avant que la croix nous porte. Jésus est chargé de sa croix.

Ils prirent donc Jésus et chargé lui-même de sa croix, il sortit. Depuis qu'Abraham avait lié son enfant aux bois du sacrifice, la pensée de Dieu revenait à l'arbre du Jardin d'Eden que dans sa sagesse il avait planté. Ne l'avait-il pas maudit, l'arbre qui l'avait privé de l'homme, fruit de son amour, ne l'avait-il pas choisi l'arbre qui porterait le fruit de l'amour, la croix?

Et le poids de la volonté du Père pèse sur Lui, le Fils, l'Unique, le premier-né. Mais voici qu'il l'accueille, mais voici qu'il l'étreint. O croix bienheureuse! O bienheureuse faute d'Adam qui nous valut un tel Rédempteur! Et ce poids, c'est la gloire qui lui revient parce qu'Il s'est abaissé.

Il sait aussi que ce poids est l'antique malédiction et son coeur bondit d'allégresse, car il sait qu'elle ne pèsera plus désormais sur aucun des enfants des hommes. Cette allégresse, c'est sa force. Est-il un homme, un seul qui dans la foule ose croiser ton regard? Et tu me regardes de ce regard-là, celui que tu avais quand le bois déchirait ta chair. Il me dit: « Toi qui peines et qui ploies sous le fardeau, tu ne penses pas aux tiens. » Jésus, tu ne vois que le poids du péché qui m'écrase. « Toi qui es fatigué, viens à moi et je te donnerai le repos.

Prends sur toi ma croix car mon joug est doux et mon fardeau léger ». O Jésus, il est léger parce que tu l'aimes. Il est le signe unique et définitif de l'amour. Mon Dieu comme ce chemin qui s'ouvre sous les pas de ton Fils ressemble à ma vie et à la vie de tous les hommes. En moi est monté l'interrogation: « Où est l'agneau du sacrifice et j'ai craint d'être celui-là? Mais tu me montres l'agneau, Celui qui fit tout selon ton bon plaisir et tu le nommes le chemin, et d'abord le chemin de la croix, le chemin , la vérité et la vie.

O Jésus, j'adore les meurtrissures de tes épaules, le poids qui entama ta chair, nous délivre de l'oppresseur.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

3e station du chemin de la croix:

Sauvez-nous du premier péché que l'on commet par surprise. Jésus tombe pour la première fois.

Sous le poids de la croix, Jésus chancelle et tombe. Ses mains sont liées à la poutre. Il ne se protège pas. Il ne peut pas se protéger. Il tombe de toute sa hauteur et la terre qui ne pourra le garder dans ses entrailles, accueille pour la première fois, le plus beau des enfants des hommes. Il goûte la poussière Celui qui a pris chair, qui est né de la poussière. Et le sang, la sueur, les larmes se mêlent à elle, c'est comme une rédemption de la terre qui s'opère déjà. Comme devant les tondeurs, une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche, pas un cri d'effroi et pourtant la terre devrait chambouler comme un homme ivre car voici Dieu qui tombe. Le créateur vascille sous le poids de sa propre créature. Toutes choses créées devraient frémir de terreur et craindre son propre anéantissement.

Mon Dieu, pourquoi fallait-il que Jésus tombe, Celui devant qui tous genoux doivent plier, sur terre, au ciel at aux enfers, et dont le genou s'écrase sour les yeux des hommes. N'est-il pas écrit: « Mon Fils affreusement traité, il s'humiliait plus encore ». Il tombe parce que vous tombez, il n'est pas jusqu'au juste parmi les hommes qui ne tombe 10 fois le jour. Ne savez-vous pas que chacune de vos chutes défigure la ressemblance divine que j'ai mise sur vos visages.

Parce qu'il est humble, Jésus se relève et se montre à visage recouvert de boue et de souillures. Relevons-nous immédiatement, fortifiés par la pensée de Jésus à chacune de nos chutes, chaque fois que le poids de la chair nous ramène à la terre d'où nous sommes tirés. N'écoutons pas notre orgueil qui voudrait que comme Adam nous allions cacher notre honte loin de la face de Dieu et de celles des hommes. Allons-nous laver à la fontaine de grâce du sacrement de réconciliation. Marchons comme si nous ne devions plus chuter, marchons en sachant que Jésus nous relèvera de la prochaine chute.

O Jésus, je crois en la résurrection de la chair, je crois que tu la relèves de l'emprise de la mort et de la destruction. En te contemplant sur le chemin de la croix, je tire l'assurance que l'accusateur n'aura pas raison de moi. 10 fois par jour ta pensée me relève et ton silence m'illumine d'une force nouvelle.

O Jésus, j'adore les plaies de tes genoux et te bénis, qui as fait de ton corps le temple nouveau et de notre chair la demeure de l'Esprit.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

4e station du chemin de la croix:

Comme la joie, Marie a partagé avec Jésus la tristesse jusqu'à la mort. Jésus rencontre sa Mère.

Marie est dans la foule, elle cherche son Fils comme elle l'a cherché lorsqu'Il était enfant. Elle l'aperçoit debout comme il était debout au milieu des docteurs et ressent que le glaive qui lui était destiné commence à pénétrer son coeur. Dans le martellement de son sang, elle entend les paroles qu'il avait dites alors: « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ». Et dans le silence, la nouvelle Eve rejoint le nouvel Adam dans l'accomplissement de la volonté du Père. Il ne dit rien. Elle se tait bien que monte en elle une longue plainte, celle de Rachel qui pleure ses enfants, elle ne veut pas être consolée. Ils sont soudain seuls, tous les deux, au milieu de la foule. L'amour de toutes les mères de la terre au chevet de l'enfant mourant les unit d'une manière unique. Marie devient ainsi la tendresse de Dieu.

Quand Dieu se cache au moment de l'épreuve, quand les hommes nous abandonnent même les amis les plus chers, quand nos propres forces semblent aussi nous trahir, il nous reste Marie. C'est un fait d'expérience, des plus grands saints, qui en témoignent aux plus humbles croyants, celui qui a pris Marie dans son coeur, ne sera plus jamais seul.

Particulièrement dans les épreuves et les nuits spirituelles, lorsque nous croyons que nous avons perdu l'amour, il nous reste la tendresse et un ineffable bien qui est une discrète consolation. Dans le silence divin creusé au sein des hurlements du monde se sont unis les deux coeurs de la mère et de l'enfant, du créateur et de la créature, de la nouvelle Eve et du nouvel Adam, du Christ et de l'Eglise.

O Marie, ma mère, j'élève vers toi tous les enfants du monde et les confie à ton coeur.

O Marie, ma mère, j'élève vers toi l'Eglise et te demande de me remplir de ta tendresse pour être en son coeur l'amour.

O coeur meurtri de Jésus par les souffrances de ta mère, je t'adore en silence et te rejoins par le coeur que tu as mis en moi et que ton Esprit a blessé.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

5e station du chemin de la croix:

Simon de Cyrène aide Jésus a porté sa croix.

Et comme il l'emmenait, ayant pris un certain Simon de Cyrène qui venait des champs, ils lui imposèrent la croix à porter derrière Jésus. La flagellation qui pouvait donner la mort a épuisé toutes les forces physiques de l'homme Dieu. Son aspect doit être terrible à voir et ses bourreaux réalisent qu'il ne pourra aller jusqu'au bout du supplice. Il ne faut pas qu'il meure avant d'avoir été hissé entre ciel et terre. Un homme est désigné, qui lui sera un surcroît d'humanité. Jésus s'était immobilisé comme un agneau. Il n'avançait plus. La Rédemption ne peut s'opérer sans le concours de l'homme. N'avait-il pas dit: « Si quelqu'un veut devenir mon disciple qu'il soulève sa croix et qu'il me suive ». Dieu veut continuer son oeuvre rédemptrice là où l'homme le rejoint et peut dire comme saint Paul et comme Marthe: « J'achève en mon corps ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l'Eglise ». Et chacun de nous qui faisons profession d'être ses disciples portons avec lui sa croix.

Et cette oeuvre co-rédemptrice nous est cause d'une joie immense qui nous donne force et courage dans l'adversité. Jésus nous a rejoint sur la croix parce que c'est là qu'est l'homme.

Simon de Cyrène revenait des champs, il est étranger à la condamnation qui vient d'être prononcée, il est innocent. Et pourtant le poids de la croix est sur lui et il ne l'a pas choisie. Personne, en effet, eut pitié du Fils de l'homme, personne ne s'est précipitée pour le soulager, mais le poids de la croix pèse sur le monde.

Heureux celui qui accepte sa croix, elle devient cause de sa joie. Heureux celui qui se courbe sous son poids, il sera élevé jusqu'à la face de Dieu. Le Père le prendra dans ses bras et l'appellera: « Mon enfant, j'ai entendu tes plaintes. » Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés.

O Fils de Dieu, j'élève vers toi l'humanité souffrante qui se rebelle sous le poids de sa misère.

O Jésus, je t'offre toute souffrance afin qu'elle ne soit pas inutile et vaine, mais qu'elle devienne ainsi rédemptrice.

O Jésus, j'adore en toi la volonté du Père.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

6e station du chemin de la croix:

Afin que éternellement son image s'y attacha, qui est faite de son sang, de ses larmes et de nos crachats, Véronique essuie le visage de Jésus.

Pas un homme donc, qui se précipite! Où es-tu Pierre? Où es-tu Jean, toi que le Seigneur aime d'un amour de prédilection? Pas un qui te console! Mais qui a-t-il entre toi et la femme? Quel mystère vous unit-il pour qu'une d'elle se laisse emporter par l'élan violent de son âme? Et ce linge qu'elle tient, servait-il à cacher sa douleur? Elle se dévoile et dévoile son amour, elle se prononce pour toi devant les hommes. Elle sait que tu ne rougiras pas d'elle devant le Père. Elle ne craint pas les soldats, car l'amour parfait bannit la peur. Elle te suivait depuis des jours peut-être.

Et c'est à cette heure terrible que sa passion rencontre ta passion. Elle pourrait s'appeler Marie Madeleine mais on ne la nommera plus que Véronique, vraie image, vraie icône. Elle portera pour toujours le nom de ta face.

Des multitudes avaient été épouvantées à sa vue tant son aspect était défiguré. Il n'avait plus d'apparence humaine. Ici, nous est dévoilé un secret du coeur de Dieu, ce que vous aurez fait au plus petit, c'est à moi que vous l'aurez fait. Nous saurons, en effet que nous sommes avancés dans la connaissance de Dieu quand nous le reconnaîtrons sous les traits de son abjection.

Lorsque le visage d'un petit mongolien couvert de bave comme celui de Jésus était couvert de nos crachats, éveillera en nous un attrait irrésistible parce que nous y lirons clairement les traits du bien-aimé que nous avions chercher sans relâche, tel François surmontant son dégoût physique mais mû par une puissance intérieure donna le baiser au lépreux. L'amour lui dévoila ses traits, c'était ceux de Jésus. Que se passe-t-il alors lorsque notre âme est ainsi portée vers les plus petits, eh bien, elle devient comme le voile de Véronique et la face ineffable du Christ s'imprime en elle, pour toujours.

Face adorable de Jésus, poste-toi comme un sceau sur mon coeur, comme un sceau dans mon âme.

O Jésus, je t'adore dans tous ceux qui n'ont plus de figure. Ceux dont on se détourne et que l'on retranche de la société des hommes.

7e station du chemin de la croix:

Sauvez-nous de la 2e chute, que l'on fait volontairement par ennui. Jésus tombe pour la 2e fois.

Malheur à celui qui est une occasion de chute pour un de ces petits. Et il s'est fait le plus petit de nous tous. Et de nouveau, il tombe. Ce n'est plus le poids de la croix qui le déséquilibre, ce n'est plus une défaillance de la chair qui est cause de sa chute, c'est une sorte d'éblouissement, un aveuglement qui le projette à terre. Simon de Cyrène n'y peut rien, pas plus qu'aucune autre aide humaine. C'est dans l'âme du Christ qu' est apparu ce trouble, qui lui rappelle certaines souffrances de Getsémani. Il s'est fait péché, et le péché lui remplit l'âme jusqu'à la défaillance, le dégoût l'envahit.

C'est à peine si on mourrait pour un juste. Son sacrifice n'est-il pas vain? Mais il se relève, il a consenti à la volonté du Père une fois pour toute. Il boira la coupe jusqu'à la lie, la volonté de Dieu qu'il ne sent plus, qu'il ne voit plus, c'est sa seule force. Ici, Jésus nous enseigne que l'on tombe dans la vie spirituelle et que son angoisse est parfois telle qu'elle est cause de défaillance. Cette chute veut nous dire: ne désespérez jamais quand bien même il vous semblerait que vous avez trahi Dieu, et qu'aucun retour n'est possible. Ne désespérez pas, j'ai payé le prix de votre retour. Nous voilà assis à la table des pécheurs. Notre âme, notre vie psychique est immergée dans le péché. S'en est fini, nous ne continuerons pas la route nous-mêmes, il faut nous rendre, nous sommes incapables du moindre bien. Accomplir la volonté de Dieu même sans avoir le goût est notre seul issu, notre âme prononce les paroles de Thérèse: « Je crois ce que je veux croire, c'est-à-dire, ce que je sais dans la fine pointe de l'âme, la seule partie de moi-même qui ne soit pas tomber dans cette chute, ce que je sais, ce qui me reste, c'est la volonté de Dieu ».

O Jésus, j'adore les plaies de ta tête et les blessures de ton âme. La lumière qui aujourd'hui les transfigure est la promesse d'éternelle extase de l'amour. La lumière qui traverse les plaies du corps est belle mais infiniment plus belle celle qui envahit les plaies de l'âme.

O Jésus que jamais nous nous détournions des porteurs de ces blessures-là, ils brilleront d'un éclat particulier dans la gloire.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

8e station du chemin de la croix:

Jésus rencontre les femmes de Jérusalem.

Or le suivait une nombreuse multitude du peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. S'étant tourné vers elles, Jésus dit: « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, pleurez sur vous-même et sur vos enfants. Car voici, des jours viennent où l'on dira heureuses les stériles et les ventres qui n'ont pas enfanté, et les seins qui n'ont pas nourri. Alors, on commencera à dire aux montagnes: Tombez sur nous et aux collines couvrez-nous, car si l'on fait cela du bois vert, qu'arrivera-t-il du bois sec? »

Pour la première fois, sur le chemin de la croix, l'agneau a ouvert la bouche mais ce n'est pas pour se plaindre, au contraire, il détourne de lui les lamentations. Jésus, prophète contemple dans sa propre passion la passion du peuple élu, du peuple agneau qui sera conduit plusieurs fois et en masse à l'abattoir , dans les chambres de la mort. Les évangiles nous rapportent que Jésus n'a pleuré que deux fois sur Jérusalem. En pleurant sur Lazare, ce n'est pas sur cet homme particulier qu'il pleurait car il savait qu'il allait ressusciter, c'était sur l'humanité sujette à la première mort et à la corruption. Il pleurait sur l'oeuvre de Dieu si belle dont le dernier ennemi reste la mort. Et quant à l'instar de David, debout sur le mont des oliviers, pleurant sur sa ville, ce n'est pas sur la destruction des édifices qu'il regrettait, mais l'anéantissement des pierres vivantes d'un édifice spirituel. Dans les deux cas, c'est sur le corps qu'il pleure, le corps de l'homme et son corps à lui le temple qui est l'Eglise dont Israël est bien qu'encore mystérieusement un membre des plus éminents. Jérusalem, Jérusalem combien de fois, j'ai voulu te rassembler comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes. Jérusalem, qui n'a pas connu l'heure de sa visitation. Jésus se lamente sur les deux fils, l'aîné Israël et le cadet l'Eglise, qui lèveront le talon l'un contre l'autre. La douleur de Dieu est immense qui constate si on traite ainsi le bois vert, qu'adviendra-t-il du sec?

Jésus sait qu'un jour son peuple préférerait être englouti par les éléments naturels que de connaître la plus épouvantable des holocaustes.

Je t'adore Jésus, Roi des juifs, toi dont la royauté ne vient pas de ce monde. Hâte l'heure où ton peuple agitant des palmes qui seront peut-être celles des martyrs dira: « Béni soit celui qui vient au nom d'Adonai ».

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

9e station du chemin de la croix:

Sauvez-nous du 3e péché qui est le désespoir, Jésus tombe pour la troisième fois.

Il semblait qu'à la deuxième chute, le Seigneur avait atteint le plus profond de l'abandon mais sa miséricorde nous réserve des surprises. Pour la 3e fois, il tombe, O mon Dieu pourquoi? Je suis tombé la première fois pour la faiblesse de la chair, je suis tombé ensuite pour la faiblesse de l'âme mais il me fallait atteindre les profondeurs de l'humanité pour la sauver tout entière. Je suis tombé pour la faiblesse de l'esprit. C'est la spirale d'un grand vertige qui m'a projeté au sol. C'est l'ivresse du désespoir bu jusqu'aux portes de la mort, qui m'a fait projeter au sol. C'est l'ivresse du désespoir bu jusqu'aux portes de la mort, qui m'a fait perdre l'équilibre. Même l'âme la plus noire est chérie de mon Père. C'est pour elle qu'il laisse les 99 brebis car Il l'aime à la folie. J'ai bu dans la nuit du jardin, la coupe de l'atroce vertige, j'ai été revêtu de la tunique écarlate de la folie, j'ai connu la terreur hallucinée de celui qui va commettre le crime contre lui-même et entendu le hurlement du malade qui blasphème dans sa chambre d'hôpital psychiatrique. Il est plus que mon frère, c'est pour lui que je suis tombé. C'est aussi pour celui qui a commis l'irréparable et qui m'appelle avant que les liens de la mort l'aient complètement enserré, car quiconque où qu'il soit qui invoquera mon nom sera sauvé. Entre la lame du couteau et la gorge d'Isaac, je suis là.

Agneau lié dans les branches de la croix, la lame s'est tournée vers moi. Jésus ne se relève qu'à grand peine mais il se relève.

Il regarde la foule délirante jouée par les esprits mauvais. C'est pour elle qui tue son Roi et son Dieu qu'il tombe.

O Jésus face aux outrages, je t'adore, garde également ceux qui connaissent l'horrible nuit de l'esprit. O Jésus garde-nous du désespoir.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

10e station du chemin de la croix:

Par l'horreur de ce dernier vêtement qu'on vous retire, ayez pitié de tous ceux qu'on déchire. Jésus est dépouillé de ses vêtements.

Les soldats lui retirent ses vêtements et tirent au sort sa tunique faite d'une seule pièce. Dieu est nu, exposé aux regards, nu comme notre père Adam, nu comme la terre nue et désolée, nu comme Job sur son fumier, comme l'homme à sa naissance et à l'heure des retrouvailles avec la terre mère, nu comme le catéchumène qui s'est dépouillé de sa vie ancienne et qui va revêtir le Christ. Jésus, je te regarde mais tu n'es pas nu. Tu as ton propre vêtement et jamais la chair de l'homme n'a parue moins nue. La pureté de ton coeur purifie le regard de ceux qui te regardent. Tu n'as pas commis la faute d'Adam et te voilà exposé sans honte comme l'hostie dans la nudité du saint sacrement. Tu ne possèdes plus rien qui a été fait de main d'homme et te voilà paré de la beauté des créatures comme sont les lys des champs et de la beauté incréée de la gloire qui remplissait le temple car voici que se déchire le voile du temple, mis à nu et que la nuée quitte le sanctuaire pour t'environner à jamais. Tu viens de te dépouiller de tes forces physiques et de celles de l'âme et de celles de l'esprit et ce rien qui te restait on te l'a arraché. Pauvre, tu es roi, roi, tu es pauvre. O Jésus cette nudité est notre héritage. Apprends-nous à l'aimer, à la désirer, à la chérir comme notre seule propriété.

Béni es-tu qui t'es laissé dépouiller sans un murmure. A toi revient cette béatitude: « Heureux les doux, ils posséderont la terre ».

O Jésus, je t'adore dans le total dépouillement où je veux te suivre. O Jésus si dans la rue où en quel autre lieu, je te rencontre nu dans un pauvre qui a faim ou qui est en prison, que je te couvre du manteau de mon amour, que je ne me détourne pas en disant quand t'ai-je vu nu ou ne t'ai-je pas couvert?

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

11e station du chemin de la croix:

Ce Dieu est assez pour moi, qui tient entre 4 clous. Jésus est mis en croix.

C'était la 3e heure, et ils le crucifièrent. Il est transpercé à cause de nos iniquités. Jésus accueille sa croix comme un lit nuptial, car là, va être versé l'eau et le sang des noces d'un nouveau Cana.

On le couche nu comme Noé, le jour de son ivresse, on le couche pour qu'il s'endorme dans la mort, ivre d'amour sur le pressoir de la croix, couché sur le dos, ses yeux ne voient plus que le ciel, et il prie. Entre les versets des psaumes, il intercède pour l'humanité. Il offre chaque coup de marteau comme un battement de son propre coeur. Seigneur, ce ne sont que des enfants malheureux qui ne savent pas ce qu'ils font. Ne leur impute pas ce péché.

Ses plaies sont à moi et je te les offre pour eux. L'épaisseur de la chair est à jamais transpercée. Par ses mains ouvertes passera désormais l'Esprit Saint que je répandrai sur eux en abondance. Alors, ils se tourneront vers Celui qu'ils ont transpercé. Ils ne recommenceront plus. Père, ce sont des enfants. L'Esprit tournera leur coeur de fils vers leur Père. Ce n'est pas les clous qui m'attachent ainsi, c'est l'amour et seulement l'amour.

Mon lit de douleur devient un lit d'amour. A tous ceux que la maladie immobilise ainsi, je leur dis: « De votre lit de douleur faites un lit d'amour par mon sang versé pour vous, je vous dis l'attrait. Votre immobilité ne sera plus qu'apparente, car l'amour est toujours en mouvement.

O Jésus, j'adore les plaies de tes pieds et de tes mains. Qu'ils sont beaux sur la montagne du Golgotha, les pieds de Celui qui annonce la Bonne Nouvelle de la délivrance; qu'ils sont beaux les pieds qui ont été lavés par les larmes de la pécheresse, l'amour couvre une multitude de péchés. Ton amour Jésus a rempli l'univers.

O Jésus, j'adore les plaies de tes mains, elles sont mon refuge au moment de l'angoisse. A chaque fois que l'abîme du péché qui est en moi m'aspire, je cours me jeter dans le creux de tes plaies qui sont ma guérison.

O Jésus, nous te prions pour les martyrs qui ont les plaies visibles de ton corps qui est l'Eglise. Nous te prions pour leurs bourreaux pour qu'ayant mis le doigt dans cette plaie, ils s'écrient comme Thomas: « Mon Seigneur et mon Dieu ».

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

12e station du chemin de la croix:

Vous avez soif, Seigneur est-ce à moi que vous parlez? Jésus meurt en croix.

Les 7 paroles ont été prononcées. Le sort du monde est scellé. Nous ne serons plus jamais seuls, ni abandonnés. Tout est vraiment accompli. Ayant poussé un grand cri, Jésus dit: « Père, dans tes mains, je remets mon esprit. » Ayant dit cela, il remet l'esprit. Jésus cite les psaumes au moment de mourir. Il cite cette phrase qu'il a apprise de Marie et que tout enfant juif apprend de sa mère penchée sur son berceau, au moment où vient le sommeil.

Dans sa main, je remets mon souffle, mon esprit. La croix se dresse soudain tirée par des cordes, puis soudain retombe d'un coup sec et violent qui secoue le corps du Seigneur, dans le trou où elle va être scellée. Il avait dit: « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai les hommes à moi ». Et le voici, étendant ses beaux grands bras entre ciel et terre dans un geste d'embrassement universel. Et déjà, il dit: « J'ai soif » et nous sentons que c'est de nous qu'il a soif. Nous voilà attirés, aimantés par sa croix. Il est dressé l'arbre dont le fruit donnera la vie. Elle est ouverte la fontaine d'eau vive. Comme Eve est sortie du côté d'Adam endormi, l'Eglise est en train de naître du côté ouvert du nouvel Adam, endormi sur l'arbre qui dévoile la connaissance du bien et du mal. Il est mort le premier, il n'a pas eu le force de lutter comme les deux larrons. Dieu est faible. Cette faiblesse lui vient de l'amour qu'il nous porte. Dieu a une faiblesse pour les hommes.

O Jésus, je t'adore dans ton immolation. Je ne comprendrai jamais le sens d'un tel sacrifice mais j'en sais le pourquoi. Je sais que ta croix est ton ultime parole à l'humanité car il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime.

O Jésus qu'ils viennent nombreux tes amants au rendez-vous de la croix. C'est là, que tu connais tes amis.

O Jésus que jamais la croix ne nous manque.

O DIEU SAINT, O DIEU FORT, O DIEU IMMORTEL, AIE PITIÉ DE NOUS.

13e station de la croix:

Ici la passion prend fin et la compassion continue. Jésus est détaché de la croix.

Pilate s'étonna qu'il fut déjà mort et ayant appelé le centurion, il lui demande s'il était déjà mort. Et l'ayant su par le centurion, il octroya le cadavre à Joseph d'Arimathie.

Ce corps n'est plus gênant, mais c'est le corps du Christ. Le corps de Dieu que le Père n'abandonnera pas à la corruption. Qui peut se douter que les lois de la nature sont en train d'être renouvelées? Qu'une puissance inouïe, semblable à l'explosion de lumière de la Genèse, du monde, va jaillir de ce corps mort, que cette puissance va changer la face du monde.

Joseph, avec un infini respect tient le corps adorable de l'agneau immolé dans ses bras et le dépose sur le sein de Marie. Ses larmes lavent le visage de son enfant comme on nettoie un nouveau-né.

En effet, les souffrances de la maternité lui avaient été épargnées en vertu de sa conception immaculée mais la nouvelle Eve mère du corps, Mère de l'Eglise enfant de son fils, dans une douleur infiniment plus grande. Comme l'a prophétisé le prophète Jérémie: « A qui te comparerai-je? A qui te dirai-je, semblable fille de Jérusalem, qui placerai-je auprès de toi pour t'éprouver, Vierge, fille de Sion car grande comme la mer est ta peine, qui te guérira? Que tu es belle entre toutes les femmes! »

Que tu es belle dans ta douleur sereine! C'est à cette heure que les anges te décernent le titre de Reine des martyrs. Ton martyr à toi dure encore plus longtemps que celui de ton Fils. Ta passion et sa passion se sont rejoints dans la compassion.

O Marie, Mère de miséricorde, Mère de douleur, pose ta main sur tous ceux qui souffrent car tu es là jusqu'à la consommation des siècles. A tenir dans tes bras le corps immense de ton Fils, à couvrir sa nudité de ton manteau, à l'envelopper de ta tendresse.

O Jésus, je vénère ton corps adorable et ton saint abandon. Apprends-moi à l'heure où je me sens abandonné des hommes et de Dieu, à m'abandonner dans les bras de ta mère.

14e station du chemin de la croix:

Ce n'est pas seulement ce sépulcre neuf, c'est ma chair. Jésus est mis au tombeau.

Puis, il le roula dans un linceul et le met dans un tombeau taillé dans le rocher où personne n'avait encore été placée. Et c'était le jour de la préparation, et le sabbat commençait à luire. Or les femmes qui étaient venues en Galilée avec lui, ayant suivi Joseph, regardèrent le tombeau et comment fut mis son corps, et revenues, elles préparèrent aromates et parfums.

Et le sabbat, elles se reposèrent selon le commandement.

Il s'est couché le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David. Il accomplit le sabbat. Il entre dans le repos de son Père car tel était le but de la première création. Le bruit de ses pas retentit dans le séjour des morts et Adam l'entend, son coeur bat à tout rompre. Il se souvient du bruit des pas de Dieu au jardin d'Eden, juste après la chute, mais ce n'est pas pour le chasser que Jésus est descendu aux enfers, c'est pour l'attirer avec lui dans son admirable lumière. Car le Fils de l'homme est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. L'empire de la chair est vaincu, celle du Fils de l'homme va traverser les linges, et l'épais rocher du tombeau, les murs de la maison où se terrent les apôtres, portes et fenêtres fermées. La lumière luit dans les ténèbres et même si nous voulons fermer nos portes et les fenêtres de notre être, nous savons qu'il vient, qu'il roule la pierre du sépulcre de notre coeur afin de changer nos coeurs de pierre en coeurs de chair. Béni sois-tu pour chacune de tes souffrances adorables qui t'ont valu un tel poids de gloire. Cette gloire, c'est pour nous que tu l'as acquise.

O Jésus, à travers toute souffrance, toute nuit, toute mort apparente, nous voulons demeurer dans ta victoire.

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